Le New England Journal Of Medecine a publié en 2005 les deux premiers cas dans lesquels le Tysabri était associé à la leucoencéphalopathie multifocale progressive (LMP). Les autopsies ont cependant révélé qu’un des patients avait mal été diagnostiqué et n’était pas atteint par la Sclérose en Plaques (SEP). Cette erreur fatale de diagnostic a mis en lumière plusieurs problèmes.

Le diagnostic d’une maladie telle que la SEP est rarement simple, et l’approche des médecins est influencée par des facteurs qui ne sont pas inhérents au processus, comme par exemple l’accès à certain services, l’omniprésence de certains critères de diagnostic, ou l’inertie due à certaines mentalités. J’aimerais que nous prenions un moment pour parler des défis posés par le diagnostic de SEP, pointer certains écueils des méthodes que nous pratiquons couramment, et faire quelques suggestions sur leur amélioration.

La majorité des neurologues canadiens ont, plus que j’amais, accès à des outils et appareils d’imagerie pour les aider dans leur diagnostic. Ceci étant dit, comme toutes les maladies neurologiques, le diagnostic de la SEP reste principalement clinique : les neurologues se basant essentiellement sur l’interrogatoire et l’examen physique du patient pour formuler leur conclusion. C’est pourquoi l’établissement de ces critères de diagnostic est si important et possiblement, une fois établis, de tels critères ont le potentiel de devenir des standards.

En matière de SEP, c’est le plus souvent les critères de MacDonald, révisés en 2010, qui aident les neurologues à déterminer un diagnostic final. Ces critères sont clairs et offrent une bonne référence pour la plupart des diagnostics. Malheureusement, la tendance à appliquer ces critères de façon universelle augmente le taux de faux positifs. C’est parce que les statistiques sur lesquelles ils sont basés ont été recueillies sur une population de patients présentant des symptômes très caractéristiques de SEP. Le résultat est un ensemble de critères qui sont tous extrêmement sensibles et spécifiques de la représentation de la maladie, mais ne permettent pas d’obtenir la même spécificité chez les patients qui ne présentent pas le même schéma typique.

En d’autres termes, l’application des critères de MacDonald aux symptômes typiques et non-typiques aboutit parfois au fait que certains patients présentant des symptômes non-caractéristiques ne sont pas diagnostiqués et, plus couramment, au fait que certains patients présentant des symptômes typiques de SEP sont diagnostiqués alors qu’il ne sont pas malades.

Malheureusement, cela n’est pas toujours pris en compte dans la pratique. Toute explication sur ce fait reste une conjecture, mais je suspecte que l’adoption généralisée de ces critères , ainsi que la forte pression subit par les médecins pour diagnostiquer les patients le plus vite possible afin de débuter le traitement, jouent un rôle significatif. Les nouvelles thérapies disponibles sur le marché sont potentiellement très efficaces quand elles sont appliquées tôt dans le développement de la maladie, mais ces traitements, qui sont aussi plus agressifs tout en ayant des effets potentiels secondaires plus sérieux, devraient au contraire souligner la nécessité d’obtenir un diagnostic plus sûr.

Actuellement personne ne connaît le pourcentage des faux diagnostics positifs résultants de l’application des critères de MacDonald révisés en 2010, mais ce taux pourrait être significatif. Les groupes à qui l’on a administré un placebo dans les études cliniques récentes ont montré, de façons asses inhabituelle, une évolution de la maladie vers une forme bénigne, déroutant les statisticiens. Nous pouvons déduire, sur la base des autopsies pratiquées en 2005, qu’un petit, mais néanmoins significatif, nombre de patients qui n’avait pas la SEP avait pourtant été enrôlé dans les études cliniques. Pire encore, il est souvent difficile de retirer une étiquette de faux diagnostic une fois que celui-ci a été posé. Ainsi, il est très courant de voir des patients qui ont reçu un faux diagnostic de SEP, continuer leur traitement pendant des années et ce même, si il ne sont effectivement pas malades. S’il n’y cependant aucune méthode facile pour régler le problème, je suis persuadé que certaines mesures peuvent être prises par les neurologues pour réduire le risque de mauvais diagnostic.

Que pouvons-nous commencer à faire pour régler le problème ?

La certitude que les critères de MacDonald offre aux médecins en matière d’erreur, est certainement responsable de plusieurs faux diagnostics. Si l’on fait abstraction de cette certitude, il devient intéressant d’appuyer ces critères par d’autres tests tels que la présence de liquide cérébro-spinal (LCS) ou bandes oligoclonales (BOs). Ces dernières ont été retrouvées dans 85% des cas de SEP. Ces données datent cependant du temps où les hopitaux utilisaient chacun leur propre méthodologie dans leurs laboratoires de test, entrainant une forte variabilité dans les résultats inter-laboratoires. Des études récentes ont montré que le résultat des tests LCS/BOs utilisant du matériel standardisé, est maintenant extrêmement fiable. Depuis l’adoption de ce nouveau matériel, la présence de LCS/Bos sur les malade atteint de SEP est probablement plus proche de 100%. Consécutivement, les patients qui ont un résultat négatif aux tests LCS/BOs sont moins susceptibles d’être atteints de SEP, ou alors ont un sous-type moins agressif de la maladie.

Comment tout cela modifie l’approche diagnostique ?

Le diagnostic de SEP devrait être porté en se basant sur les critères de Mac Donald révisés, et confirmé par la présence de LCS/BOs. Chez les patients développant des symptômes cliniques typiques, mais chez lesquels la recherche de LCS/BOs est négative, une étude plus précise de l’évolution clinique et/ou radiologique devrait être requise avant de confirmer le diagnostique et initier un traitement. Les patients atteint de syndrome clinique isolé (SCI) dont 20% d’entre eux n’évolueront pas en SEP, devraient être suivis et non traités. Une fois le diagnostic de SEP établit avec certitude, un traitement agressif ayant pour objectif une rémission clinique et radiologique, devrait être entamé dès le début.

Dr. François Jacques
Directeur de la Clinique de sclérose en plaques
Clinique Neuro-Outaouais
Gatineau, Québec

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